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Bientôt la Comicspocalypse ?

C’est un peu à la mode de mettre le mot « apocalypse » à toutes les sauces, surtout quand on veut personnaliser un évènement plutôt catastrophique… J’annonce donc, pour ma part, la prochaine « comicspocalypse » à venir… grand boulversement sismique de notre genre BD préféré !
Rien de neuf réellement, les signes sont là depuis longtemps, mais il semble que 2014, voire le début 2015, marquera réellement ce grand tournant dans l’histoire de l’édition.

Depuis Cable’s Chronicles, j’ai toujours bataillé pour la diversité et l’originalité dans les comics. C’est une chose aisée quand le lecteur n’est pas rebuté par la VO… toutefois, j’ai toujours envisagé la chose du point de vue du lecteur lambda de VF, et là c’est beaucoup plus difficile de sortir des histoires de super-slips !
Si on remonte quelques années en arrière, environ une vingtaine, on retrouve l’époque de Semic, quasiment seul éditeur de comics en France publiant essentiellement du Marvel. Conjointement, il y avait un ou deux petits éditeurs qui sortaient quelques séries non-mainstream, notamment les Editions USA qui tapaient beaucoup dans le catalogue Vertigo. Semic s’est aussi essayé aux nouveaux labels comme Image et Top Cow… mais l’accueil a plutôt été mitigé.
En 1996, le catalogue Marvel passe alors chez Panini et Semic tente de (vainement) résister en publiant du DC. Au final, c’est toujours les même personnages qui dominent le marché français.

Il faudra attendre le début des années 2000 et l’explosion (voire la reconnaissance) des adaptations de comics sur grand écran pour provoquer un électrochoc parmi les lecteurs de BD… et parmi les éditeurs.
Il faut savoir que le comic reste quelque chose d’assez tabou en France, surtout dans le milieu de l’édition. A Angoulême, par exemple, vous trouverez sans mal une « bulle Manga » mais, pour les comics, il faudra vous orienter vers le « Monde des Bulles » ou un « Nouveau Monde »… et je ne vous parle même pas des quelques rares auteurs américains primés qui n’ont pas été identifiés comme des auteurs de comics ! Bref, on ne s’y reconnait pas !
Pourtant, en ce début 2000, un constat évident apparaît : le manga et le franco-belge stagnent, le marché n’évolue plus ! On se rend compte alors que le cinéma reste un bon espace publicitaire et Panini bénéficie assez clairement de la mise en avant des films X-Men et Spider-Man.
Aussi, si le marché des comics est resté relativement intimiste pendant près de 40 ans, le changement arrive rapidement.

En moins de 20 ans, on a vu le nombre d’éditeurs publiant des comics multiplié par 10 ! Ainsi, Panini s’est rapidement vu rejoint par Delcourt, dès 2005, premier véritable concurrent qui s’est essayé quelques temps au kiosque. Un peu plus tard, les Editions Soleil se lancent aussi dans l’aventure, pendant que Casterman ou Dargaud publient des titres américains sans jamais les identifier comme des comics. Les années 2010 apportent aussi leur lot de petits nouveaux avec Atlantic BD, Ankama, Milady, Glénat Comics, French Eyes ou encore les Editions Emmanuel Proust. Le dernier évènement majeur sera la brutale « OPA » de Dargaud pour « ravir » les licences DC à Panini, en 2011, en créant le label Urban Comics.
Ce qui fait que, début 2012, au moins 10 éditeurs alimentent régulièrement le catalogue comics français, proposant aussi bien du super-héros que du polar, de la SF ou de l’horreur. Une véritable période bénie pour le fan du genre anglo-saxon qui a de quoi satisfaire son insatiable appétit de comics… ou pas !

Même si le nombre de lecteurs est en hausse, il est encore loin d’égaler celui des lecteurs de manga et de franco-belge ! Ajoutez à celà qu’entre le rythme de parution et le coût des albums, on se retrouve rapidement avec un lectorat noyé sous la masse de sorties mensuelles. Autre point, si les films attirent un nouveau public, c’est surtout les super-slips qui en bénéficient, les autres genres (polar, horreur, SF…) rament (beaucoup) derrière hormis quelques gros titres comme Walking Dead !
Au final, sur la petite dizaine d’éditeurs, seuls ceux qui publient les grosses licences des « gros » labels américains (Marvel, DC, Image…) tirent leur épingle du jeu et de la crise économique, les autres disparaissent ou sont moribonds !
Aussi, pour qui sonne le glas ?
Soleil US Comics : l’éditeur a beaucoup misé sur la SF avec quelques titres intéressants (Aliens…) et on attendait beaucoup de la publication de la nouvelle série Tortues Ninja (pas celle adaptatée du nouveau dessin animée) mais, après 4 tomes, plus de nouvelles ! Je garde un tout petit espoir, mais je n’y crois pas trop…
French Eyes : un catalogue très intéressant et fourmillant de comics d’horreur très savoureux… malheureusement, il n’a pas trouvé son public et l’éditeur, malgré la licence Doctor Who, n’arrive plus à produire de nouveaux titres… ce qui est bien regrettable !
Atlantic BD : un de mes « petits » éditeurs préférés. Des titres très orientés SF-horreur superbes qui n’ont eu ni la pub adaptée ni le bon accueil du public. Trois fois dommage car il y avait une véritable volonté éditoriale de qualité (Fabrice Sapolsky ex Machinae) !!
Emmanuel Proust : éditeur très discret mais qui a sorti quelques titres de bonne facture comme la Planète des Singes. Malheureusement, l’entreprise a eu quelques difficultés et a récemment été rachetée par le groupe Paquet. De ce fait, on ne sait pas vraiment quel est l’avenir pour les titres comics du label.
Milady : c’est un peu l’OVNI de la bande… Difficile de savoir quels sont les objectifs réels de cet éditeur. Porté par des titres phares comme Scott Pilgrim et Locke & Key, le catalogue de Milady avait de quoi séduire de nombreux lecteurs. Toutefois, de l’extérieur, on ressent comme un gros problème de gestion du label… en tout cas son avenir est très incertain !
Glénat Comics : ce label est sans doute le contre-exemple du lot. Techniquement, en tant que branche d’un « gros » éditeur, le label Glénat Comics avait de quoi survivre à la crise… mais le catalogue a manqué clairement de popularité. Si certains titres sont réellement de petits bijoux comme Outhere (dont je dois vous parler prochainement), d’autres n’avaient que peu de chance de trouver le succès en France, à tord ou à raison. Par exemple, je ne comprends pas l’acharnement de l’éditeur à vouloir à tout prix sortir 3 volumes de Danger Girl ! Malgré tout, le label a encore un programme de parutions pour la fin 2014 – début 2015, mais ce sera sans doute les derniers titres !

Cette hécatombe a donc pour conséquence de nous ramener quasiment au statut quo de la fin des années 90 : un marché dominé par les super-héros mais dont le monopole se partage essentiellement entre Urban Comics et Panini, arbitré par Delcourt. Voici donc la comicspocalypse qui s’annonce pour 2015, celle qui ne vous laisse pas beaucoup de choix dans vos lectures et qui vous fait oublier qu’il y a autre chose que les super-pouvoirs dans les BD produitent outre-atlantique ! J’exagère un peu le trait mais c’est un malheureux constat que l’on peut faire chaque mois en découvrant les listings de sorties noyés par les titres Batman ou Avengers. Seul Delcourt joue réellement le jeu de la diversité mais c’est plutôt tragique de voir si peu de productions sortir de la thématique super-héros !
Comment y remédier ? Je vous invite à militer pour les titres hors mainstream, pour les polars, la SF et l’horreur tout en essayant de faire l’impasse sur des rééditions (pour un prétexte quelconque de bonus ou de colorisation) d’histoires déjà lues et relues. Je vous invite aussi à lire ce que produisent les petits éditeurs et à découvrir leurs catalogues où on trouve souvent du bon, même du très bon comic ! Votre investissement en vaudra vraiment la peine !!

5 thoughts on “Bientôt la Comicspocalypse ?

  1. C’est sympa tout ça mais j’aime bien mes comics de super héros et n’accroche pas plus que ça avec les polars, la SF et l’horreur.
    Par ailleurs, les éditeurs (hors urban et panini)présentent souvent au format franco belge (pas toujours il est vrai) mais n’offrent pas une originalité. On trouve facilement du polar, de la SF ou de l’horreur dans l’offre classique franco-belge mais les supers-héros nettement moins.

    1. Ah je ne dis pas qu’il faut tourner le dos aux super-héros, je suis moi-même un grand consommateurs de X-Men.
      Toutefois, j’appuie sur le fait que les petits éditeurs qui s’essayent sur d’autres genres sont souvent boudés et finissent par disparaître… et avec eux la diversité.

      Si on distingue les comics du franco-belge, ce n’est pas pour rien !
      Un polar « comics » ne se présente pas de la même façon qu’un polar « franco-belge », que ce soit au niveau du style narratif ou du découpage des planches entre autre. Et puis, il y a une bonne partie des comics consacrés à l’horreur (au sens large du terme) et c’est un genre peu présent malgré tout dans nos rayons de BD, le franco-belge reste très classique.
      Quant au format, je ne suis pas d’accord, tous les éditeurs que j’ai cité publient au format comics (autour de 17×26 cm) sauf exceptionnellement, pour une mise en valeur du travail de l’artiste (ce qu’à fait Panini pour la Tour Sombre ou Delcourt pour le Fléau).

      1. Pour ce qui est du format, c’est vrai (et je bats ma coulpe) que les autres éditeurs s’y sont mis.

        Par contre, mon propos s’articule plus autour du choix pour un thème.
        Pour les super-héros, peu de choix ou presque, on a du comics avec des stars internationales dedans. Tout le monde les connaît et ce sont des références en plus.
        Pour les autres thèmes, les séries comics sont plus confidentielles et soumises à une concurrence plus importante. Ce qui va diviser d’autant le gâteau en parts plus petites. Ce qui peut différencier les deux versions est trop ténu de prime abord, ce sont des différences visibles que pour un oeil habitué. Pour beaucoup, une BD est une BD, qu’importe l’origine.

        Dernier point, il y a aussi des petits éditeurs de BD franco-belges qui disparaissent.

  2. J’imagine bien qu’il y a les même problèmes de « survie » dans le franco-belge… mais nous ne sommes pas sur les même échelles de marché.

    La diversité est, à mon sens, très importante et n’est pas un facteur de crise. Si je prends l’exemple du manga, il doit exister une demi douzaine, au moins, de styles d’histoires et tous sont relativement bien représentés sur le marché français. De même pour le franco-belge.

    Ce que je déplore, c’est que cette diversité existe aussi dans les comics mais elle ne semble pas trouver sa place dans nos rayons pour la simple raison que le marché des comics est encore petit et inondé de Super-héros par Panini et Urban.
    Et c’est plutôt la surrenchère de ces deux éditeurs qui est facteur de crise plutôt que la diversité des genres et des « petits » éditeurs.
    Il est évident que les lecteurs favoriseront l’achat d’un Batman plutôt que d’un Mars Attack ! Mais Batman se vend plus souvent autour de 20-25€ alors que Mars Attack est à 14€. Les budgets n’étant pas élastiques, je comprends que certains face des choix qui font que ce genre de petites publications soient boudées !

    1. La diversité est évidemment souhaitable mais ne marche que si il y a un volume de ventes suffisant.
      Le manga est un peu à part quand même tant au niveau du format que du prix. Son seuil de rentabilité n’est vraiment le même.

      Une personne va choisir Batman parce qu’il connaît le personnage plus qu’un Mars attack (qui lui rappellera un bon film mais c’est tout).

      Mais mon propos va plutôt vers la personne qui va pour trouver une histoire SF, polar… (peu importe), il aura un choix absolument colossal devant lui et il va regarder un peu dans les rayons, il va aussi se rendre compte que les histoires sont plus complètes dans les rayons côté franco belges que côté comics.
      Pour choisir du super héros, c’est autre chose et la référence, c’est le perso de comic (en particuliers Superman).

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